mardi 12 mars 2019

Hubert Reeves « Les animaux ne sont pas des bêtes »



Aux animaux, perçus comme des être inférieurs, on asso-
cie souvent des adjectifs dévalorisants ; ils sont dits « stu-
pides », « sans intelligence ». Ou tout simplement, « bêtes »
- le mot parle de lui même. On leur attribue des comporte-
ments « méchants ». En fait, la notion de méchanceté se prête
mieux aux activités humaines : tortures, oppression, sadisme.
L’écrivain anglais George Bernard Shaw écrivait :
       
       Quand un tigre tue un homme, on crie à l’horreur ;
        quand un homme tue un tigre, on parle de sport,
   
   Les observations scientifiques sur le comportement animal
montrent l’ineptie de cette vision négative. Le comportement
génial de certains animaux - oiseaux migrateurs, abeilles,
fourmis, dauphins, corneilles, pieuvres - nous révèle l’exis-
tence de formes  stupéfiantes d’intelligence. Ce qui se passe
dans leur tête nous est largement inconnu.
   Grâce à Darwin, les hommes ont appris qu’ils faisaient
partie de la grande famille des animaux. La crise écologique
contemporaine nous impose la nécessité de développer l’esprit
de famille élargie à toute la vie. Nous sommes entièrement
dépendants les uns des autres. Notre vie est liée à la bonne
santé du monde animal et végétal.
   Ces changements dans notre vision du monde, pour
devenir efficaces, doivent s’accompagner d’une révision
du vocabulaire. Il conviendrait de renoncer aux expressions
« se conduire comme une bête », « une cruauté bestiale » et
d’autres encore. Les mots utilisés dans la vie courante sont
susceptible d’affecter insidieusement les modes de pensée et
les comportements peuvent paraître anodins. À long terme, leurs
effets sont majeurs.

                   
                Le banc du temps qui passe

Méditations cosmiques.                  SEUIL    page 158