samedi 29 juin 2013

A quelle distance suis-je des choses ?



Au sein de l’univers les galaxies sont très éloignées les unes des autres, à des dis-tances parfois bien difficiles à mesurer, tant elles sont importantes. En plus à cette échelle, les notions de temps et d’espace sont très intriquées, le temps pouvant courber l’espace ou l’espace pouvant modifier le temps, comme dans le film La Planète des singes.

Dans le système solaire les planètes sont séparées les unes des autres, chaque planète étant à une certaine distance du soleil. Ces distances sont variables car les planètes sont en mouvement permanent les unes par rapport aux autres et chacune par rapport au soleil.

Sur Terre aussi, toutes les choses sont séparées et distantes : les villes, les maisons, les montagnes, les arbres… Ces distances sont un peu plus stables car ce sont des choses qui, sauf catastrophe naturelle, ne bougent pas, du moins à l’échelle de notre temps humain.

Les distances sont plus variables entre les êtres vivants, qui sont souvent en mouvement.

Au niveau atomique, les distances sont de nouveau beaucoup plus difficiles à mesurer entre les atomes ou entre les particules qui composent la matière. En effet, les mouvements des particules sont tellement rapides, leur agitation est si intense, que mesurer la distance entre elles à un moment précis est très délicat.

Mais, quoi qu’il en soit, les choses ont cette caractéristique commune d’être toujours séparées les unes des autres par un espace, par une distance. Elles sont toujours exclusives. C’est l’une ou l’autre. Quand deux choses sont l’une contre l’autre, l’analyse plus fine nous montre que, malgré tout, elles sont toujours séparées et donc distantes l’une de l’autre.

Les distances peuvent être mesurées au moyen de divers instruments, le mètre est celui qui est le plus souvent utilisé dans notre vie quotidienne. Nous employons donc une chose, un objet, pour mesurer la distance entre deux choses.


Avec une règle, je peux, par exemple, mesurer la distance entre deux peluches. Les graduations sur la règle me permettent de dire combien de centimètres séparent ces animaux. Ma vue me permet de voir cette distance sur la règle.
Je peux mesurer la distance entre deux peluches.

Si maintenant je fais pivoter la règle et essaie de voir la distance entre moi (ce qui regarde en moi) et le singe, je ne peux plus voir les graduations sur la règle. La règle se limite à un point, ou plutôt à un trait vertical ! Je suis donc incapable de voir la distance qui me sépare du singe.

Je peux essayer avec un autre objet ou avec ma main. Je me trouve toujours dans l’impossibilité de voir la moindre graduation sur la règle et donc de mesurer la moindre distance entre moi et les choses. De mon propre point de vue, il n’y a pas de distance mesurable entre moi et les choses !

À cela on pourrait objecter le fait que je puisse demander à quelqu’un de regarder sur la règle la distance entre moi et l’objet. Oui, mais alors ce serait une vue extérieure : « Les autres me disent que la distance entre moi et l’objet est de tant de centimètres. » Il ne s’agit plus de mon expérience personnelle. Pour les autres je suis distant de toutes les choses, je ne le nie pas, mais ce n’est pas mon expérience, ma perception personnelle dans l’instant. Et c’est elle que j’essaie de retrouver au travers des expériences.

Je ne joue pas sur les mots. Dans l’évidence de l’instant, aucune distance n’est mesurable, pour moi, entre moi et une chose. Cela est toujours vrai en toutes circonstances, aussi étonnant que cela puisse paraître.

Mais il y a une explication à cela. Ce que je suis pour moi n’est pas une chose ! La distance entre une « non-chose » et une chose ne peut pas être mesurée. Ce que je suis n’a pas d’interface avec le monde. L’espace qui est découvert ici n’a pas de limites. Il n’y a pas un endroit où cet espace s’arrête et où le monde commence, et à partir duquel je pourrais effectuer une mesure.

L’observation est évidente, les conclusions à en tirer vont dépendre de chacun, comme toutes les conclusions tirées de chacune des expériences. Je partage les miennes avec vous, mais vous pouvez tirer de l’observation d’autres conclusions que moi. Vous êtes libres.

Je pivote la règle.

Je ne peux pas voir la distance qui me sépare du singe.


Ce qui me vient à la suite de cette expérience, c’est que tout ce monde phénoménal, constitué d’objets distants les uns des autres, serait ici, ici où se trouve la pure conscience qui permet à ce là-bas d’exister. Et cet ici exploserait en tout ce qui est là-bas grâce à une création permanente qui se ferait ici et maintenant.

Je peux alors réaliser que le ici et le là-bas sont réunis, ont fusionné pour réaliser l’Un. Ce Un que je suis rend possible le ici et le là-bas, mais il n’est aucun des deux. Je suis juste ce qui rend cela possible. Je suis simplement la pure conscience de ce qui est perçu.

Cette expérience est simplissime et le mental peut être très réticent à jouer le jeu si simple de l’observation pure, car il a tellement l’habitude de reconstruire le monde en pensées. Les conséquences de cette expérience font réellement « exploser » le mental.


Philippe fabri 

"Ce que je suis, les autres ne le voient pas". Ed. Altess
Préface d'Alain Bayot

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